Hubble : dix ans d'observation aux confins de l'univers Peu de domaines de l'astronomie ont échappé au télescope spatial mis en orbite en 1990. Sans équivalent au cours de la décennie, il sera demain en concurrence avec les grands observatoires terrestres, mais restera inégalé dans certaines fenêtres du spectre Mis à jour le jeudi 27 avril 2000 EN 1977, lorsque le Congrès américain avait voté les crédits pour la réalisation du télescope spatial Hubble, toute la communauté astronomique s'était réjouie de l'événement. Enfin, on allait se libérer de la Terre et de son atmosphère trop turbulente pour observer l'Univers. Mais on allait pouvoir, en plus des observations effectuées dans le visible, ouvrir plus largement certaines fenêtres du spectre inaccessibles au sol (proche infrarouge et utraviolet) et étudier des galaxies, des nébuleuses, des soleils, des pouponnières d'étoiles et des astres en fin de vie avec un luxe de détails inimaginable. Chacun y allait alors de sa surenchère et la NASA, jamais en mal de publicité pour sa cause, affirmait sans retenue qu'Hubble serait « le plus grand événement astronomique depuis Galilée ». Une date était même fixée pour le lancement : octobre 1983. Dix ans passèrent. Hubble n'était toujours pas lancé. Le programme allait de retard en retard et l'explosion en vol de Challenger en janvier 1986, responsable de la mort en direct de ses sept membres d'équipage, ne fit que repousser un peu plus la mise en orbite tant attendue de l'instrument. Ce n'est que le 24 avril 1990 qu'Hubble s'envole enfin. Les pronostics vont alors bon train. Les uns, encore émerveillés par la galerie de portraits des planètes-stars du système solaire réalisée par les sondes américaines Voyager, affirment que le télescope spatial fournira « d'aussi bonnes images des planètes du système solaire », ce qui n'est pas tout à fait vrai. Les autres se réjouissent à l'idée de découvrir un Univers inconnu « au travers d'un instrument doté de pareilles performances ». A peine arrivé en orbite, c'est la consternation. Hubble se révèle n'être qu'un vieillard myope, plutôt tremblant et à la mémoire singulièrement évanescente. Si les astronomes, gens de bonne composition, sont prêts à s'accommoder de ces mouvements incontrôlés et de ces absences, il leur est en revanche difficile d'accepter le flou de l'instrument. Une myopie inadmissible sur un engin qui a coûté entre 1,5 et 2 milliards de dollars, soit 8,5 à 11,3 milliards de francs ! Chacun s'interroge et se demande comment il se fait que les contrôles effectués au sol n'ont pas mis en évidence le défaut d'aberration sphérique responsable de cette myopie ? Comment une firme aussi connue que Perkin-Elmer, filiale de Hughes, un autre grand du spatial, a pu faillir alors qu'elle a fabriqué nombre d'instruments optiques pour les satellites espions américains, dont l'acuité visuelle est en permanence vantée. Enquête faite, il apparaît que cette myopie est bien le résultat d'erreurs de calcul - un millimètre - faits au moment du polissage du miroir principal de 2,40 mètres du télescope. Lors de leur livraison, les différents miroirs de l'instrument répondaient parfaitement, et séparément, au cahier des charges, mais l'ensemble une fois assemblé, n'ayant pas été testé, il manifestait de curieux problème de vision. Jacqueline Bergeron, de l'Institut d'astrophysique de Paris, s'indigne et déclare que ce handicap est « d'autant moins pardonnable que les promoteurs du télescope, du fait des retards accumulés de ce programme, disposaient pratiquement de huit ans pour faire les vérifications nécessaires ». « Il paraît incroyable, pour un instrument de cette importance, renchérit Roger Bonnet, de l'Agence spatiale européenne, tout en rappelant quand même les mésaventures du satellite européen Hipparcos, que l'on se soit contenté de tester ses différents composants séparément et que l'on n'ait pas ensuite contrôlé l'ensemble pour une ultime vérification. » Georges Courtès, du Laboratoire d'astronomie spatiale du CNRS à Marseille, enfonce le clou en se demandant s'il faut voir dans cette affaire « la conséquence de la disparition de ces chercheurs formés à l'école de la perfection au profit d'une génération d'hommes maniant plus volontiers l'abstraction et le papier ». Autant la NASA et ses sous-traitants industriels furent à cette époque critiquables, autant l'agence spatiale américaine fut admirable de maestria en décembre 1993, lors de la mission destinée à redonner acuité et vigueur à son télescope spatial. Onze jours durant, les astronautes de la navette spatiale Endeavour se jouent des obstacles et apportent la preuve que l'Amérique des grandes premières spatiales n'est pas si loin. Les sept membres d'équipage, dont l'astronaute suisse Claude Nicollier, multiplient les sorties dans l'espace - cinq en tout - pour remettre l'engin à neuf. Story Musgrave, le réparateur en chef, sue sang et eau dans son scaphandre et, depuis sa plate-forme de travail, invite les ingénieurs à cogiter un peu plus et à faciliter la tâche des astronautes qui auront à assembler la future station spatiale internationale. Alors même que les parlementaires américains notent avec un soin scrupuleux les échecs, les défaillances et les retards des missions de l'agence spatiale américaine... Une nouvelle erreur serait d'autant moins acceptable que la remise en état - nouveaux panneaux solaires, dispositif anti-vibrations, nouveau système de positionnement (magnétomètres) et ensemble de correction visuelle de la taille d'une cabine téléphonique - a mobilisé plus de 700 millions de dollars. Quelques jours plus tard, la NASA triomphe et Hubble commence sa moisson d'images et de découvertes, en partie pour les Européens assurés, du fait de leur contribution via la fourniture de la caméra pour objets faiblement lumineux (FOC), de disposer de 15 % du temps d'observation. Quatre ans plus tard, en février 1997, les opticiens de l'espace repartent vers Hubble, cette fois pour changer deux instruments optiques et divers équipements de bord. Cinq sorties extra-véhiculaires sont nécessaires aux astronautes, au lieu des quatre prévues, pour mener à bien leur mission. Une nouvelle caméra à infrarouge est installée, qui doit permettre de mesurer le fameux décalage vers le rouge qui traduit la vitesse d'éloignement des objets célestes. L'ÂGE DE L'UNIVERS A la clé, le recueil d'informations qui devrait aider à calculer la vitesse d'expansion (et en principe, l'âge) de l'Univers. Parallèlement, un spectrographe nouvelle mouture est également monté qui doit décomposer la lumière afin de mieux déterminer la composition, la vitesse et les propriétés physiques et chimiques des astres auscultés par les télescope. Les nouvelles images ne manquèrent d'ailleurs pas de nourrir es débats vifs entre cosmologistes sur l'âge possible de l'Univers. Mais cette mission de 1997 n'est qu'une « remise à niveau ». À l'origine du projet, la NASA prévoyait de ramener Hubble sur Terre tous les cinq ans pour maintenance, un scénario rapidement jugé irréaliste en raison des risques qu'un atterrissage mouvementé aurait fait courir à l'observatoire astronomique. L'agence spatiale américaine décida donc de programmer des interventions en orbite tous les trois ans. Ce calendrier fut bien sûr bouleversé. En mars 1999, la NASA annonce qu'elle doit anticiper la troisième mission de maintenance, prévue pour 2000. Le remplacement des instruments scientifiques attendra des jours meilleurs car, privé de deux des six gyroscopes nécessaires à sa stabilisation, Hubble menace de donner de la bande si l'on n'intervient pas d'urgence. Prévue en octobre, la mission 3 A, à laquelle prennent part deux Européens, le récidiviste Claude Nicollier et le Français Jean-François Clervoy, est reportée à neuf reprises, avant que Discovery ne s'envole, le 19 décembre. Il était grand temps. Hubble ne tenait plus que sur deux gyroscopes, et la NASA ne souhaitait pas prendre le risque d'avoir une navette en orbite au moment du passage à l'an 2000, par crainte du bogue. Après huit jours de travail intensif, l'équipage quitte l'instrument rajeuni grâce à l'installation de six gyroscopes, d'un système de pointage, d'un enregistreur de données et d'un ordinateur de bord flambant neufs. Faute de temps, les astronautes n'ont pu installer de nouveaux écrans de protection solaire, mais le principal a été accompli. La prochaine mission de maintenance est prévue en 2001. La navette Columbia emportera dans sa soute une caméra de troisième génération, un nouveau système de refroidissement destiné à la caméra infra-rouge, et de nouveaux panneaux solaires. Si nécessaire, la navette postera le satellite sur une orbite plus haute. L'ultime visite aura lieu en 2003. Une caméra à grand champ sera installée sur Hubble, qui sera ensuite laissé à lui-même, pour le reste de son âge. A l'origine, il devait poursuivre ses observations jusqu'en 2005, mais certains espèrent qu'il engrangera les découvertes jusqu'en 2008, voire 2010. A cette date, indique la NASA, 6 milliards de dollars (presque autant d'euros) auront été dépensé pour cet observatoire dont la moisson d'images célestes et de données est inestimable. Jean-François Augereau et Hervé Morin the most relevant terms
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