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Un travail paru dans la revue Science "Crier ou chuchoter: le dilemne des cellules embryonnaires"

Mise en valeur des recherches d’Emmanuel Faure de l’équipe ICAR publiées dans la revue Science, reprises également dans CNRSinfo

« Crier ou chuchoter: le dilemne des cellules embryonnaires »

Au cours du développement embryonnaire, les cellules, en se divisant, adoptent des rôles de plus en plus précis dans l’organisme. Cellules de l’épiderme, musculaires ou neurones, les différents types cellulaires qui forment l’embryon émergent peu à peu d’une orchestration très fine des positions des cellules, coordonnée par les signaux qu’elles échangent entre elles. Comme nous, les cellules se “parlent” pour prendre des décisions.

Dans les embryons de vertébrés, les cellules ont un comportement très dynamique avec de nombreuses migrations et échanges de voisines. Les signaux qu’elles échangent, que l’on pourrait caractériser de “cris”, ont une longue portée. L’étude du développement embryonnaire d’un petit animal marin de la famille des ascidies, dont la transparence des embryons facilite l’étude, a permis à des scientifiques de plusieurs équipes du CNRS et de l’INRIA en France, en collaboration avec une équipe du laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL, Allemagne), de capturer et décrire en détail un autre mode de communication.

Ils ont enregistré toutes les deux minutes le développement d’embryons vivants avec un microscope de nouvelle génération puis créé un logiciel pour détecter automatiquement chaque cellule et analyser sa position, sa forme et ses voisines jusqu’à un stade avancé du développement. Ce travail a  révélé un mode de développement très particulier et très reproductible, dans lequel les cellules bougent très peu les unes par rapport aux autres. Les auteurs de l’étude ont alors annoté les films ainsi réalisés avec l’information du type cellulaire et des signaux moléculaires émis par chaque cellule. En intégrant par modélisation mathématique la description quantitative de la géométrie embryonnaire avec ces deux nouvelles informations, ils ont montré que les signaux échangés par les cellules ont une très courte portée. De plus, l’interprétation de ces signaux est modulée  par la surface des contacts entre cellules, comme si celles-ci se chuchotaient des instructions, un mécanisme facilité par les faibles déplacements des cellules les unes par rapport aux autres. A la différence des vertébrés, les cellules des embryons d’ascidies ont donc un comportement statique et figé et la portée de leurs signaux “chuchotés” est très faible.

Cette étude indique que la dynamique des mouvements cellulaires varie beaucoup entre animaux et que celle-ci pourrait être fortement liée à la portée utile des signaux que les cellules échangent entre elles. En étendant le répertoire des mécanismes de communication cellulaire, ce travail ouvre de nouvelles perspectives sur la compréhension des stratégies d’auto-organisation des formes vivantes.

Article : L. Guignard*, U.-M. Fiuza*, B. Leggio, J. Laussu, E. Faure, G. Michelin, K. Biasuz, L. Hufnagel, G. Malandain#, C. Godin#, P. Lemaire# (2020) Contact-area dependent cell communications and the morphological invariance of ascidian embryogenesis (Science, July 10 2020 issue, https://science.sciencemag.org/content/369/6500/eaar5663)

GP-fig-2

© Léo Guignard

Légende de la figure : développement embryonnaire d’une ascidie de l’œuf jusqu’au têtard. La partie encadrée en blanc est la partie de l’embryogenèse que nous avons imagée puis segmentée (ci-dessous, cellules segmentées colorées selon leur destin cellulaire). La partie inférieure de la figure illustre que les cellules vert clair « chuchotent » des instructions à leurs voisines immédiates par des signaux à courte portée.